Infocentre Taj : Ordonnances Macron : un bilan en demi-teinte

Le 23 septembre 2017, les « ordonnances loi travail », dites « ordonnances loi Macron », entraient en vigueur et constituaient l’une des plus importantes réformes du Code du travail de ces dernières années. Si ces mesures avaient vocation à offrir aux employeurs davantage de sécurité et de visibilité sur les contentieux potentiels et à réformer les règles de licenciement en introduisant plus de flexibilité, le bilan des ordonnances apparait, à date, mitigé.

Paris, le 22 mai 2019

Une mise en place du Comité Social et Economique (CSE) a minima :

Le CSE, résultat de la fusion des différentes instances représentatives est un dispositif imposé. Pour cette raison, il n’est pas aisé d’apprécier son succès en se contentant d’en faire un bilan statistique, nécessairement positif. En effet, près de 12 000 CSE ont été mis en place en 2018 et plus encore le seront en 2019 ; le 31 décembre 2019 étant la date limite pour sa mise en place. Sur le fond, le contenu des accords CSE s’avère décevant car finalement le « potentiel » de réforme n’a pas été utilisé. En effet, au lieu de recourir aux différentes possibilités d’aménagement conventionnel qui s’offrent à elles, les entreprises ont jusqu’à présent privilégié une approche a minima des dispositions légales. On est donc très loin du CSE « à la carte » voulu par le législateur.

APC et RCC, un succès prévisible et immédiat :

L’Accord de performance collective (APC) et la Rupture Conventionnelle Collective (RCC) ont quant à eux rencontré un vrai succès puisque les entreprises se sont pleinement emparées de ces dispositifs, les PME notamment (avec l’APC en particulier).

Alors que seulement 10 accords de maintien de l’emploi avaient été signés entre 2013 et 2015, et 3 APDE entre 2016 et le premier semestre 2017, près de 142 APC ont d’ores et déjà été signés sur les 16 derniers mois. Par ailleurs, au 31 mars 2019, le dispositif de RCC a été négocié à 121 reprises, ce qui a permis une nette réduction du nombre de PSE (280 en 2018 contre 370 en 2017).

Les raisons de ce succès résident dans les avantages et la flexibilité attachés à ces dispositifs :

  • L’APC est un accord collectif majoritaire au contenu librement négocié (accord unique type « couteau suisse »), possible en dehors de tout contexte de difficultés économiques et qui s’impose aux salariés. Les possibilités d’aménagement sont multiples : durée de travail, rémunération, dans le respect des salaires minima hiérarchiques, mobilité professionnelle et géographique des salariés. Pour le moment, la thématique forfait annuel en jours à l’année (mise en place ou modification du dispositif existant) a très clairement le vent en poupe.
  • La force de la RCC est qu’elle s’apparente au plan de départs volontaires (PDV) tel que nous le connaissons (mesures de reclassement externe), sans suivre pour autant le régime contraignant du licenciement pour motif économique (pas de motif économique, pas d’expert, pas de procédure de consultation des IRP sur le plan de départs volontaires). La RCC permet ainsi de réduire les effectifs d’une entreprise ou d’un établissement en anticipant de possibles licenciements pour motif économique, sur la base exclusive du volontariat.

La barémisation des indemnités de licenciement, dispositif contesté et contourné

Le bilan de la barémisation de l’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse, s’avère très contrasté. Si le nombre de contentieux a effectivement été réduit, la conventionnalité de ce dispositif est désormais fréquemment mise en cause. Il est en effet devenu systématique pour les avocats de salariés de soutenir que le barème serait contraire à certaines normes internationales, issues de la charte sociale européenne (article 24) et à la convention n°158 de l’OIT (article 10). Pour mémoire, chacun de ces articles impose aux juges de verser au salarié licencié sans motif valable (réel et sérieux) une réparation adéquate ou appropriée. Le barème répond-il à ces exigences ? Pour l’heure, les CPH sont quant à eux divisés sur le sujet, 16 décisions ont à ce jour été rendues : 11 contre la conventionalité du barème et 5 en faveur de celle-ci. Un jugement du CPH de Louviers en date du 10 avril 2019 vient récemment de solliciter l’avis de la Cour de cassation à ce sujet. Affaire à suivre donc. Par ailleurs, lorsqu’il n’est pas contesté, le barème fait quasi-systématiquement l’objet de tentatives de contournement, les salariés n’hésitant plus à invoquer soit la nullité de leur licenciement soit l’existence de préjudices distincts non couverts par le barème.

Malik Douaoui, Avocat associé en Droit social et Florence Théodose, Directrice en Droit social du cabinet Deloitte Taj, proposent de partager et commenter avec vous leur analyse et ses éléments de bilan.

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