Le sujet de la rémunération des dirigeants fait échos auprès de l’opinion publique. Avec la mise en place de l’état d’urgence sanitaire liée à l’épidémie de Coronavirus, il est remis sur le devant de la scène notamment avec la question du vote des rémunérations en assemblée générale.
Paris, le 07 avril 2020
En France, la rémunération des dirigeants est encadrée par le régime juridique stricte du « say on pay », récemment réformé par l’ordonnance et le décret du 27 novembre 2019 relatifs à la rémunération des mandataires sociaux des sociétés cotées. Les principes du vote de la politique de rémunération (ex ante) et des éléments de rémunération versés au titre de l’exercice antérieur (ex post) restent les mêmes, mais le contenu de ce qui est soumis au vote est étendu.
L’application de ce régime est perturbée par les mesures exceptionnelles prises par le Gouvernement comme le confinement généralisé, rendant impossibles les réunions traditionnelles d’assemblées générales. Pour assurer la continuité du fonctionnement et des activités des entreprises, un droit spécial se met en place. Une ordonnance du 25 mars 2020, dresse le dispositif dérogatoire concernant la réunion et la délibération des organes de décision des sociétés.
Que change l’ordonnance en matière de gouvernance ?
La problématique principale en termes de gouvernance se révèle être d’ordre logistique, les organes de gouvernance ne pouvant se réunir physiquement. Il faut alors assurer la continuité des décisions et la gouvernance en matière de rémunération. Pour ce faire, des mesures relatives à la convocation et à l’information sont mises en place. A titre d’exemple, pour les sociétés cotées, la convocation n’est pas considérée comme nulle en cas de convocation par voie postale non réalisée. Le droit de communication dématérialisé est ainsi étendu et facilité. De même, de nouvelles modalités de délibérations à distance sont mis en œuvre (vote à distance, délibération écrite, …).
A noter que l’application de ce régime dérogatoire est rétroactive.
Quels sont les impacts de la crise sur les dividendes ?
Le gouvernement apporte des précisions :
- Pour les grandes entreprises qui entendent bénéficier des aides d’Etat, elles sont invitées à geler les versements de dividendes. Elles devront prendre l’engagement de ne pas verser de dividendes en 2020 à leurs actionnaires en France ou à l’étranger et ne pas procéder à des rachats d’actions au cours de l’année 2020. En cas de non-respect de cet engagement, les cotisations sociales ou échéances fiscales reportées ou le prêt garanti par l’Etat devront être remboursés avec application des pénalités de retard de droit commun.
- Il serait possible de cumuler chômage partiel et versement de dividendes.
De son côté, l’AFEP demande à ses adhérents qui utilisent le chômage partiel de présenter à leur prochaine assemblée générale une nouvelle résolution afin de réduire les dividendes à payer en 2020 de 20% par rapport à l’année dernière.
La Banque Centrale Européenne (BCE) a, quant à elle, demandé aux banques de la zone euro de ne pas distribuer de dividendes à leurs actionnaires afin d’accroitre la capacité des banques à absorber les pertes et pour continuer à consentir des prêts pendant la crise sanitaire.
Baisse temporaire de la rémunération globale des dirigeants : quelles recommandations du Soft Power?
Le Soft Power vient amener des précisions quant à la conduite à tenir en termes de rémunération des dirigeants en cette période de crise.
L’ AFEP demande aux dirigeants mandataires sociaux de réduire de 25 % leur rémunération globale versée en 2020 pour la durée où des salariés de leur entreprise seront en chômage partiel. Ces rémunérations non payées seront versées à des actions de solidarité nationale en relation avec le Covid 19.
La BCE intervient également sans plus de précisions pour inviter à une extrême modération dans le versement des rémunérations variables des banquiers.
Le Soft Power permet de tenir compte de la réalité sans pour autant être coercitif, laissant ainsi une large marge de manœuvre aux entreprises. Ainsi, chaque entreprise pourra prendre les mesures qu’elle juge acceptable en ces temps de crise, tout en conservant le contrôle notamment sur son image publique.
Quels sont les impacts estimés sur la rémunération médiane des Mandataires Exécutifs (Fixe+STI+LTI) ?
Nous estimons :
- Une baisse minimum anticipée sur 2020 de -10% et -19% respectivement pour le SBF120 et le CAC 40 soit -150k€ à -800k€ ;
- Une baisse minimum anticipée sur 2021 de -17% à -30% respectivement pour le SBF120 et le CAC 40 soit -350k€ à -1300k€
Ceci est principalement dû à deux facteurs : La baisse du court de la bourse d’environ 20% en moyenne sur une année glissante (avril 2019/avril 2020). Les critères financiers, représentant 75 à 80% des critères considérés, pris en compte dans l’ingénierie des packages de rémunération des fonctions exécutives, au sein d’une société cotée. Il existe alors des enjeux immédiats concernant le package de rémunération médian des dirigeants (fixe + STI + LTI) liés à 2020 mais aussi des enjeux à moyens termes pour l’année 2021.
Existent-ils des alternatives ?
Les entreprises disposent de deux outils principaux : l’ingénierie du package de la rémunération de ses mandataires sociaux et la réglementation qui lui est applicable. Ainsi, plusieurs possibilités leurs sont offertes au niveau de l’ingénierie :
- Poursuivre les attributions de LTI pré Covid19 sans modifications du nombre d’instruments ;
- Poursuivre les attributions de LTI pré Covid19 avec une enveloppe complémentaire lors de la prochaine AG ;
- Décaler les attributions pré Covid19 après un retour à la normale des cours de Bourse
- Annuler les attributions envisagées pré Covid19 et mener une réflexion sur le package post Covid19
-
Modifier la politique LTI « habituelle » au profit d’autres dispositions en considérant les
- Augmenter la part de STI au sein du package médian de rémunération des dirigeants ;
- Revoir les critères des LTI et les pondérer vers des critères extra-financiers tels que l’intérêt social ou encore la pérennité de l’entreprise ;
- Penser aux bonus exceptionnels ;
- Mettre en place un plan « cash ».
Ces alternatives de construction du package devront néanmoins se conformer strictement à la nouvelle la réglementation en vigueur au niveau du vote de la rémunération des dirigeants en considérant les deux phases clés :
- Le Vote Ex Ante qui précise la politique de rémunération cible suivie pour l’année à venir, soit 2021 ;
- Le Vote Ex Post qui permet la validation des packages pour l’exercice passé, soit aujourd’hui pour 2019 mais demain aussi pour l’exercice 2021.
Les entreprises devront néanmoins veiller à la cohérence des packages de rémunération versés mais également vérifier que ce qui a été approuvé lors du vote ex post est cohérent avec ce qui l’a été lors du vote ex ante. Il sera également essentiel de veiller à rester compétitifs en termes de package de rémunération.
Les experts de Deloitte Société d'Avocats proposent de commenter avec vous les différents impacts de la crise sanitaire du coronavirus sur la rémunération des dirigeants et les implications en matière de gouvernance
- Comment mettre en œuvre le régime dérogatoire applicable en matière de gouvernance ? Et comment exécuter la réforme du say on pay à distance (ex ante et ex post) ?
- Quelle politique faut-il privilégier concernant le versement des dividendes ?
- Quelles sont les implications opérationnelles de la crise liée au Coronavirus concernant la rémunération des dirigeants ?
- Comment adapter sa politique de rémunération et anticiper la sortie de crise ?
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